Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 18 septembre 2010

Poètes de Corée - I

Au moment où l’on peut voir sur nos écrans de cinéma le film Poetry du réalisateur Lee Chang-Dong, allons à la rencontre de la poésie coréenne en parlant d’un de ses plus illustres représentants, le poète JEONG Ji-Yong. L’évoquer, c’est aussi se souvenir des drames dans lesquels la Corée a été plongée durant le XXe siècle. Né en 1903, JEONG Ji-Yong a connu l’occupation de son pays par les Japonais en 1910 et c’est à l’université de Kyoto qu’il devra faire ses études. Il sera professeur d’anglais et traducteur. Après la libération du pays en 1945, il enseignera à Séoul. Mais quand l’armée nord coréenne envahira le sud, il sera emmené de force au dessus du 38e parallèle. Les conditions de sa mort vers 1950 restent encore mystérieuses.
Son œuvre est constituée de cent trente poèmes auxquels s’ajoutent des traductions de William Blake et de Walt Whitman. Au premier des deux, JEONG Ji-Yong a consacré sa thèse. Une partie de sa poésie a été traduite en français par Lee Ka-rim et Georges Ziegelmeyer. Il s’agit de son recueil Nostalgie qui date de 1927 et rassemble des textes écrits durant son séjour au Japon. Plusieurs ont été mis en musique et sont souvent entendus sur les radios coréennes.
Au printemps dernier, j’ai eu l’opportunité de me rendre dans son village natal de Okch’on, dans la province du Chungchong du Nord, en Corée du sud. Chaque année, à cette période, des festivités sont organisées pour lui rendre hommage. Sa maison natale, habitation coréenne traditionnelle, a été restaurée et la jouxte un bâtiment moderne qui entretient sa mémoire. On y trouve tous les documents retraçant son itinéraire, les revues qu’il a animées ainsi que des exemplaires de ses œuvres. À l’occasion de ces festivités, qui rassemblent un public populaire, est décerné dans le théâtre de ce qui est devenu une grande ville, un prix littéraire. Celui-ci, un des plus prestigieux du pays, est remis à un grand poète coréen d’aujourd’hui. À quelques kilomètres de là, au bord d’un plan d’eau a été aménagée une promenade poétique jalonnée par des stèles sur lesquelles sont gravés des poèmes des différents lauréats de ce grand prix de poésie.

À propos de JEONG Ji-Yong, dans la présentation qu’il a faite de la traduction française de Nostalgie, Jean Biès a écrit : «Impressionnistes dans le détail, réalistes non sans humour, parfois précieux, ses textes sont d’une fraîcheur naïve et un peu féminine. Villageois et marins, ils se calquent aux images et au respect de la nature. Un sentiment mêlé de taoïsme et de christianisme chuchotés, diffuse une poésie qui ne cherche pas la sagesse. Dieu lui est concret, incarné dans un paradis campagnard d’une originelle fraternité. Au carrefour des deux Corées, de l'Orient et de l'Occident, JEONG Ji-Yong s'inscrit dans la lignée des pionniers de la poésie coréenne du XXe siècle, avec toute la discrétion qu'exigent le marcher simple et le sentir vrai ».

Voici pour finir un des poèmes extrait de Nostalgie :

Village natal

Je suis revenu au village natal,
ce n’était plus celui de ma nostalgie.

Le faisan couve dans la montagne,
le coucou chante le retour du printemps.

Mon cœur, nuage flottant vers un port lointain,
n’a pas retrouvé son village natal.

J’escalade le sommet de la montagne.
Des fleurs blanches tendrement me sourient.

Les fifres amers qui égayaient mon enfance
restent muets, collés à mes lèvres sèches.

Je suis revenu au village natal.
Seul le ciel de ma nostalgie est bleu.

JEONG Ji-Yong

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